LA VILLE COMME « LABORATOIRE SOCIAL »

Isabelle COUTANT
CNRS

La ville a été l’objet d’étude privilégié des sociologues qui ont introduit l’enquête de terrain, ou enquête ethnographique dans la discipline, au cours des années 1920 puis des années 1950 à l’Université de Chicago, aux Etats-Unis. Pour ce courant de recherche, la ville incarne plus que tout autre objet le changement social : elle est un condensé et un miroir grossissant des rapports entre les groupes sociaux, et le sociologue peut les appréhender concrètement à travers les méthodes qualitatives (entretiens, observations, lecture de documents). Après un retour sur les textes fondateurs de la sociologie urbaine, nous reviendrons sur un certain nombre d’enquêtes de terrain pour interroger les transformations de la ville et de la société contemporaines, ainsi que les modes de régulation des tensions qui parfois les accompagnent à l’échelle locale.

Bio-bibliographie de l'enseignant :

Isabelle Coutant, ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure, est Directrice de recherche au CNRS, spécialisée en ethnographie urbaine. Depuis une vingtaine d’années, elle étudie les transformations des classes populaires dans la France contemporaine, à travers des enquêtes de terrain en région parisienne. Elle s’intéresse aux effets de leur précarisation et de leur déstructuration.

Elle a d’abord étudié ces effets du point de vue de la jeunesse populaire, symbole de la « nouvelle question sociale » dans les années 1990 et 2000. Elle a analysé les relations entretenues par cette jeunesse avec les institutions, principalement l’institution judiciaire et l’institution psychiatrique (Délit de jeunesse, La découverte, 2005 ; Troubles en psychiatrie, La Dispute, 2012). Ces travaux ont également donné lieu à la réalisation d’un documentaire radiophonique, Wilfried (en ligne sur Arte radio), qui a reçu le 5è prix Europa en 2018.

En parallèle, elle s’est intéressée aux relations entre différentes fractions des classes populaires et des petites classes moyennes à l’échelle locale, dès son premier ouvrage (Politiques du squat, La dispute, 2000). Elle a ensuite co-dirigé une enquête collective sur un quartier pavillonnaire en banlieue parisienne, qui a exploré la manière dont les habitants ont réagi à l’installation de familles immigrées au cours des années 1990 et 2000 (La France des « petits-moyens », Cartier et alii, La découverte 2008 [The France of the Little-Middles, Berghahn Books, 2016, 2019]). Elle a prolongé cette réflexion sur les conditions sociales de la tolérance à travers sa dernière recherche autour de la crise migratoire en Europe (Les migrants en bas de chez soi, Seuil, 2018).

Isabelle Coutant a co-dirigé deux ouvrages de synthèse à vocation pédagogique : Sociologie des classes populaires contemporaines, Siblot et alii, A. Colin, 2015 et Santé mentale et souffrance psychique : un objet pour les sciences sociales, Coutant et Wang (dir.), CNRS-éditions, 2018.

Programme :

Vendredi 2 avril 2021, 18h00-20h30 (heure de Moscou)

Cours magistral 1 (avec traduction simultanée) : Naissance de l’écologie urbaine et essor des méthodes ethnographiques en sociologie

Samedi 3 avril 2021, 10h30-13h00 (heure de Moscou)

Cours magistral 2 (avec traduction simultanée) : Groupes sociaux dans la ville : quelles évolutions ?

Lundi 5 avril 2021, 18h00-20h30 (heure de Moscou)

Cours magistral 3 (avec traduction simultanée) : Jeunesses populaires et « culture de rue » : désordres juvéniles et régulations institutionnelles

Mercredi 7 avril 2021, 18h00-20h30 (heure de Moscou)

Cours magistral 4 (en visioconférence avec traduction) : Cohabitations : la ville en tensions

Jeudi 8 avril 2021, 18h00-20h30 (heure de Moscou)

Séminaire 1 (en visioconférence sans traduction) : L’enquête de terrain (1) : l’analyse de la situation d’enquête

Vendredi 9 avril 2021, 18h00-20h30 (heure de Moscou)

Séminaire 2 (en visioconférence sans traduction) : L’enquête de terrain (2) : la contextualisation des données III. 

Bibliographie du cours :

Cours 1

• L’Ecole de Chicago. Naissance de l’écologie urbaine, Textes traduits et présentés par Yves Grafmeyer et Isaac Joseph, Flammarion, 2009.

• Street Corner Society, William Foote White, La Découverte, 2007, [The University of Chicago Press, 1943, 1993].

Cours 2

• Grafmeyer Yves et Authier Jean-Yves, Sociologie urbaine, Armand Colin, 2008.

• Chabrol Marie et alii, Gentrifications, Amsterdam éditions, 2016.

• Oberti Marco, Préteceille Edmond, « Les classes moyennes et la ségrégation urbaine », Éducation et sociétés, 2004/2 (no 14), p. 135-153.

https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2004-2-page-135.htm

Cours 3

• Lepoutre David, Cœur de banlieue. Codes, rites et langage, Odile Jacob, 1997, 2001.

• Coutant Isabelle, “From street to job : integrating juvenile delinquents”, Etnografica, février 2010, p. 71-95.

https://journals.openedition.org/etnografica/356?lang=fr

• Coutant Isabelle, Eideliman Jean-Sébastien, “The Moral Economy of Contemporary WorkingClass Adolescence. Managing Symbolic Capital in a French public Adolescent Centre, British Journal of Sociology, 2013, 64 (2): 248-266.

Cours 4

• Cartier Marie et alii, La France des « petits-moyens ». Enquête sur la banlieue pavillonnaire (La découverte 2008). Traduction : The France of the Little-Middles (Berghahn Books, 2016, 2019)

• Coutant Isabelle, L’occupation du lycée Jean Quarré par des migrants : cause des réfugiés et cause d’un quartier, Métropolitiques, 13 novembre 2017.

https://www.metropolitiques.eu/L-occupation-du-lycee-Jean-Quarre-par-des-migrants-cause-desrefugies-et-cause.html

English Version: Migrants’ Occupation of Lycée Jean Quarré: The Refugee Cause and the Cause of a Neighborhood, Metropolitics, 16 November 2018

https://www.metropolitiques.eu/Migrants-Occupation-of-Lycee-Jean-Quarre-The-Refugee-Causeand-the-Cause-of-a.html

 

Séminaires

• Antichan Sylvain, Comment étudier les pratiques mémorielles liées aux attentats ? Plaidoyer pour des sciences sociales ordinaires, Genèses, 2017/4 (n° 109), p. 139-156. https://www.cairn.info/revuegeneses-2017-4-page-139.htm

• Buu-Sao Doris, Prendre le parti de l’enquête. Positionnements ethnographiques en terrain conflictuel, Genèses, 2019/2 (n° 115), p. 123-137.

https://www.cairn.info/revue-geneses-2019-2-page-123.htm

• Jouan Adrien, S’impliquer pour enquêter : politiques et dilemmes d’une ethnographie en terrain militant, Cahiers de recherche sociologique, 2016 (61), 145–166. https://doi.org/10.7202/1042373ar

• Laurens Sylvain, « “Pourquoi” et “comment” poser les questions qui fâchent ? ». Réflexions sur les dilemmes récurrents que posent les entretiens avec des « imposants », Genèses, 2007/4 (n° 69), p. 112-127.

https://www.cairn.info/revue-geneses-2007-4-page-112.htm

• Lepoutre David, La photo volée. Les pièges de l'ethnographie en cité de banlieue, Ethnologie française, 2001/1 (Vol. 31), p. 89-101.

https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2001-1-page-89.htm

• Yohana Emmanuelle, Relations d'enquête et positions sociales. Une enquête auprès de jeunes d'une cité de banlieue, Genèses, 20, 1995. p. 126-142.

https://www.persee.fr/doc/genes_1155-3219_1995_num_20_1_1313