Les enjeux d’une philosophie du travail

Eric LECERF (philosophie) 23-31 octobre 2013
Université Paris-8 Vincennes-Saint-Denis

Au moment où le travail, tend tout à la fois à occuper une part de plus en plus réduite dans la production de richesses, et néanmoins à être remobilisé comme instrument de moralisation des classes pauvres, il convient de s’interroger sur ce concept clef ; ne serait-ce qu’afin de distinguer, d’une part, ce qui pourrait en constituer un invariant anthropologique, et de l’autre, cette forme de socialisation de l’action humaine que le XIXème siècle nous a appris à nommer « travail ». Dans ce cours, nous nous efforcerons ainsi de comprendre les articulations du réel que les uns et les autres cherchent à désigner lorsqu’ils mobilisent le travail en lui conférant une « valeur » qui se distingue, dans son expression politique, de la seule « production de richesses ». À travers l’énonciation de cette valeur-travail, il est d’abord question de la permanence – ou à défaut de la restauration – d’un ordre vis-à-vis duquel la morale elle-même apparaît comme une simple dérivation, une sorte d’excroissance destinée à en cristalliser la « matière spirituelle ». Du travail-peine au travail-aliéné, en passant par toutes les formes de servitude auxquelles la réification s’est historiquement identifiée, il serait impossible de n’en rien comprendre si cet axiome de la valeur n’en venait tout à la fois éclairer le sillage et obscurcir l’effectivité. C’est donc dans l’interrogation de ce double mouvement que la valeur « travail » nous semble devoir être interrogée si nous voulons conserver une maîtrise du sens qu’il convient de donner à cette forme singulière de l’agir que nous nommons travail. Qu’est-ce que cette valeur nous dit du travail que la seule mobilisation du couple nécessité-liberté ne saurait nous livrer ? Suffit-elle à constituer par elle-même l’un de ces plans, au sein duquel le travail se déploie ; un plan qui soit distinct de ceux de l’économie, du social ou de l’ontologie ? Définir le travail, cela revient d’abord à distinguer au sein de l’agir humain des normativités propres à identifier des rationalités communes, fondées sur un tissage d’attitudes corporelles et physiques intéressées par un résultat à obtenir. Mais définir le travail, cela revient aussi à lui assigner des limites, c’est-à-dire à inscrire au sein de notre existence des modalités d’action qui ne relèvent pas du travail. Parce que le concept de travail procède d’une historicité dont il est lui-même un élément constitutif, nous en retisserons quelques moments clefs, toute définition du travail impliquant de facto une idée que la société se fait d’elle-même. 

Bio-bibliographie de l'enseignant :

Eric Lecerf enseigne la philosophie à l'Université Paris 8, après avoir été Directeur de Programme au Collège International de Philosophie entre 1992 et 1998. Il a soutenu une thèse en 1999 dont le titre était La raison au risque du chômage. Ses recherches portent essentiellement sur la philosophie du travail et sur les fondements métaphysiques des politiques d'émancipation. Spécialiste de la philosophie d'Henri Bergson, il s'est particulièrement intéressé aux philosophes qui se sont servis de cette œuvre pour penser les rapports sociaux ou les phénomènes de création. De Georges Sorel et Charles Péguy à Gilles Deleuze, en passant par André Bazin ou Siegfried Kracauer pour les études cinématographiques, ses travaux de recherche portent sur une lignée non académique du bergsonisme, poursuivant sa méthode d'appréhension du réel qui tend à nouer expérience concrète et questions métaphysiques.
Eric Lecerf a aussi publié des articles sur les théoriciens français de l'émancipation, tels Pierre-Joseph Proudhon ou Simone Weil qui ont contribué à constituer une philosophie du travail comme phénomène global. Par ailleurs, ses travaux de recherche sur le cinéma sont principalement orientés sur les écarts dont toute représentation filmique du travail témoigne concernant une dynamique propre à la perception de la matière.
Il a publié deux essais : La famine des temps modernes en 1992 et Le sujet du chômage en 2002 et dirigé la publication de plusieurs autres essais sur Bergson.

 

 

Programme :

Mercredi 23 octobre 2013, 18h00 - 21h00, amphi 01, Bâtiment Principal

Cours 1 (avec traduction simultanée):
Le travail en philosophie

Jeudi 24 octobre 2013, 15h00-18h00, amphi 01, Bâtiment Principal

Cours 2 (avec traduction simultanée) :
Définir le travail : une rationalité en question

Vendredi 25 octobre 2013, 15h00-18h00, amphi 01, Bâtiment Principal

Séminaire 1 (sans traduction simultanée) :
Étude d'un texte du corpus français / P.J Proudhon

Samedi 26 octobre 2013, 9h00-12h00, salle Г-522, Faculté de philosophie

Séminaire 2 (sans traduction simultanée) :
Étude d'un texte du corpus français / C.Péguy

Lundi 28 octobre 2013, 15h00-18h00, amphi 01, Bâtiment Principal

Cours 3 (avec traduction simultanée) :
la valeur travail, entre aliénation et émancipation

Mardi 29 octobre 2013, 15h00-18h00, amphi 02, Bâtiment Principal

Séminaire 3 (sans traduction simultanée) :
Étude d'un texte du corpus français / S.Weil

Mercredi 30 octobre 2013, 18h00-21h00, amphi 01, Bâtiment Principal

Cours 4 (avec traduction simultanée) :
Homo faber ; un concept ambivalent

Jeudi 31 octobre 2013, 09h00-12h00, Г-522, Faculté de philosophie

Séminaire 4 (sans traduction simultanée) :
Méthodologie

 

 

Bibliographie du cours :

ARENDT, Hannah : Condition de l'homme moderne; BERGSON, Henri : La pensée et le mouvant; BLOCH, Ernst : Le principe espérance (t.2) ; DURKHEIM, Emile : De la division du travail social ; ENGELS, Friedrich : Le rôle du travail dans la transformation du singe en homme ; FOUCAULT, Michel : Les mots et les choses ; FOURIER, Charles : Théorie de l'unité universelle ; FRIEDMANN, Georges : Où va le travail humain ?; GORZ, André : Misères du présent, richesse du possible ; GORZ, André : Métamorphoses du travail, question de sens ; HEGEL, Friedrich : La phénoménologie de l'esprit ; HEGEL, Friedrich : Principes de la philosophie du droit ; JÜNGER, Ernst : le travailleur ; LE PLAY, Frédéric : La réforme de la société ; LECERF, Eric : Le sujet du chômage ; MOREAU-CHRISTOPHE : Louis-Mathurin : Le droit à l'oisiveté ; MARX, Karl : Le capital ; MARX, Karl : Introduction à la critique de l'économie politique ; MARX, Karl : Manuscrits de 1844 ; MARX, Karl : Misère de la philosophie ; MARX, Karl : Travail salarié et capital ; NIETZSCHE, Friedrich : Généalogie de la morale ; NIETZSCHE, Friedrich : Humain, trop humain ; PROUDHON, Pierre-Joseph: De la Justice dans la révolution et dans l'église ; PROUDHON, Pierre-Joseph: Systèmes des contradictions économiques, ou philosophie de la misère ; RANCIÈRE, Jacques: Le philosophe et ses pauvres ; RUYER, Raymond : Métaphysique du travail ; SCHWARTZ, Yves: Expérience et connaissance du travail ; SMITH, Adam : La richesse des nations ; TURGOT, Anne-Robert-Jacques : Réflexions sur la formation et la distribution des r