Raconter le désir à la première personne (XVIIe – XVIIIe siècles)

Jean-Christophe IGALENS
Sorbonne Université

Dans quelles conditions et sous quelles formes le désir peut-il être raconté à la première personne au cours des XVIIe siècle et XVIIIe siècle ? Être raconté : c’est-à-dire constituer un sujet possible et parfois devenir l’enjeu du récit, pour les fictions à la première personne et dans les œuvres autobiographiques. Au cours de la période étudiée, la méfiance ancienne envers la concupiscence et un soupçon tenace à l’égard de « l’inquiétude de l’âme » sont concurrencés par une valorisation nouvelle du désir comme appel et élan. Dans les récits à la première personne, le désir n’est plus nécessairement un ennemi à vaincre ou épreuve à surmonter sur le chemin de la vertu et de la sagesse, il devient une expérience fondatrice pour le personnage, une question essentielle pour le narrateur, parfois la raison d’être du récit. Ces perspectives nouvelles n’éclipsent pas, cependant, les inquiétudes et les interrogations que suscitent par exemple les relations entre le sujet désirant et l’objet du désir, le partage entre délicatesse et violence, entre licite et illicite (ou obscène), l’opacité de l’objet désiré, les représentations ambivalentes du corps, etc. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le récit à la première personne constitue une voie d’exploration importante de ces questions morales et anthropologiques. Le rapport privilégié entre cette forme de récit et les écritures du désir est redoublé par les enjeux de l’autoreprésentation d’un narrateur ou d’une narratrice susceptible de se constituer en objet de désir, souvent problématique, pour le destinataire du récit. Ces manières de raconter le désir jouent enfin un rôle important dans l’émergence de récits de soi aux enjeux renouvelés, en particulier à partir des Confessions de Rousseau.

 

Bio-bibliographie de l'enseignant :

Jean-Christophe Igalens est maître de conférences à l’Université Paris-Sorbonne. Auteur d’un ouvrage consacré à l’œuvre littéraire de Giacomo Casanova (Casanova. L’écrivain en ses fictions, Paris, Classiques Garnier, 2011), il a édité, en collaboration avec Érik Leborgne, l’Histoire de ma vie du même auteur (Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2013-2018) à partir du manuscrit conservé par la Bibliothèque nationale de France. Spécialiste de la littérature d’un long XVIIIe siècle, il s’intéresse notamment aux formes et aux enjeux de l’écriture de soi.

Programme :

Jeudi 04 octobre 2018, 17h00-20h00, salle P10, IIe GUM

Cours 1 (avec traduction simultanée):
Le récit à la première personne comme écriture du désir aux XVIIe et XVIIIe siècles, une introduction (Mots et idées du désir ; les différents récits à la première personne, première approche de la place du désir dans ces récits ; récits à la première personne et libertinage)

 

Vendredi 05 octobre 2018, 17h00-20h00, salle P10, IIe GUM

Cours 2 (avec traduction simultanée)
Romans-mémoires : expériences et récits du désir (Crébillon fils, Marivaux, Prévost)

 

Samedi 06 octobre 2018, 10h00-13h00, salle P10, IIe GUM

Séminaire 1 (sans traduction simultanée) :

Études de texte 1 : Le Paysan parvenu (Marivaux) ; extraits de romans de Prévost.

 

Lundi 2018 08 octobre, 17h00-20h00, salle P10, IIe GUM

Séminaire 2 (sans traduction simultanée) :
Études de texte 2 : Libertinage(s). Corpus d’extraits.


Mardi 09 octobre, 17h00-20h00, salle P10, IIe GUM

Cours 3 (avec traduction simultanée) :
Les narratrices et le désir, questions de genre ?

 

Mercredi 10 octobre, 10h00-13h00, salle P10, IIe GUM

Séminaire 3 (sans traduction simultanée) :

Études de texte 3 : extraits de romans à la première personne dont le narrateur est une narratrice (en particulier Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière (Villedieu), La Vie de Marianne (Marivaux), La Religieuse (Diderot)).


Jeudi 11 octobre 2018, 17h00-20h00, salle P10, IIe GUM

Cours 4 (avec traduction simultanée) :
Raconter le désir en autobiographie : Rousseau, Casanova.


Vendredi 12 octobre 2018, 17h00-20h00, salle P10, IIe GUM

Séminaire 4 (sans traduction simultanée) :
Études de texte 4 :  extraits des Confessions (Rousseau) et de l’Histoire de ma vie (Casanova).

 
Bibliographie du cours :

Lecture intégrale souhaitée

Marivaux, LPaysan parvenu, éd. Erik Leborgne, Gf-Flammarion, 2010.

 

Lecture approfondie (lecture intégrale ou par larges extraits) :

Madame de Villedieu, Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière, éd. René Démoris, Desjonquères, 2003. Des extraits seront distribués s’il est difficile aux étudiants de se procurer l’ouvrage.

Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions, « GF » t. I (livres 1 à 6). Plusieurs extraits de l’œuvre seront distribués et étudiés. La lecture intégrale serait profitable

 

Œuvres étudiées par extraits (liste indicative)

Casanova, Histoire de ma vie. ; Challe, Les Illustres françaises ; Crébillon, Les Egarements du cœur et de l’esprit (On évoquera également Le Sylphe). ; Diderot, La Religieuse. ; Godard d’Aucour, Thémidore ; Guilleragues, Lettres portugaises (ce roman épistolaire présente un usage de la première personne important pour les questions abordées par ce cours) ; Madame de Lafayette, Zayde (ce roman à la troisième personne comporte des récits enchâssés à la première personne pertinents pour le cours) ; Marivaux, La Vie de Marianne ; Prévost, Manon LescautHistoire d’une grecque moderne Thérèse philosophe

 

 

Quelques repères critiques (liste indicative et non limitative. La bibliographie sera complétée au cours des conférences et séminaires)

 

Jean-Christophe Abramovici, Obscénité et classicisme, PUF, 2003

Michel Beaujour, Miroirs d’encre, coll. Poétique, Seuil, 1980.

Frédéric Briot, Usages du monde, usages de soi. Enquête sur les mémorialistes d’Ancien régime, Seuil, 1994.

Michel Delon, Le Principe de délicatesse. Libertinage et mélancolie, Albin Michel, 2011.

Michel Delon, Le Savoir-vivre libertin [2000], Hachette, 2015.

René Démoris, Le Roman à la première personne du classicisme aux Lumières  [1975], Droz, Genève, 2011.

Jacques Lecarme (Jacques) et Éliane Lecarme-Tabone, L’Autobiographie, coll. U, Armand Colin, 1997.

Philippe Lejeune (Philippe), Le Pacte autobiographique, coll. Poétique, Seuil, 1975 ; nouvelle édition augmentée, coll. Points, Seuil, 1996.

Christophe Martin, Mémoires d’une inconnue : étude de La vie Marianne de Marivaux, PURH, 2015.

Gisèle Mathieu-Castellani, La Scène judiciaire de l’autobiographie, PUF, 1996.

Jean Starobinski, Jean-Jacques Rousseau. La transparence et l’obstacle suivi de sept essais sur Rousseau Gallimard, 1971.